Oeuvre-vie de Tchaïkovski

DE 1877 A 1893
PERIODE EVOQUEE DANS LA BANDE DESSINEE



HIVER 1876 – PRINTEMPS 1877


Premiers échanges entre T. et Mme VM : début d'une relation qui va durer 14 années, au travers tout d'abord de commandes musicales demandées par Mme VM: celle-ci sera désormais l'amie et la manne financière de T. Ces 2 êtres, pour des raisons différentes, ont deux points communs : l'amour de la musique et le goût des voyages. C'est Joseph Kotek, un ami de longue date de T. qui les fait se connaître. 1877 est, à tous points de vue, un tournant dans la vie de T., en outre, on y note sa rencontre récente (fin1876) avec Tolstoï qui apprécie sa musique, sa passion amoureuse mais impossible pour Kotek (lui, n'est pas homosexuel), ses débuts "timides" de chef d'orchestre : il dirige sa "Marche Slave" au Bolchoï. Dans ce théâtre encore, le 20 février, est créé le "Lac des Cygnes", le 25 février est donnée la première exécution de "Francesca da Rimini" sous la direction de Nicolas Rubinstein.

En février, Mme VM déjà, fait part de son enthousiasme grandissant pour les compositions de T. (lettre du 15 février) ; T. lui répond dès le lendemain. Le 7 mars T. reçoit une autre lettre de Mme VM : à l'admiration pour le musicien se mêle le désir de connaître l'homme, mais paradoxalement, elle songe déjà à une relation d'où toute rencontre physique serait exclue. Mme VM demande à T., à partir de l'"Opritchnik" d'écrire une "Marche funèbre" (p 117-118-119). Le 16 mars, l'oeuvre est écrite et envoyée avec une lettre dans laquelle T. s'exprime sur l'intimité de ses souffrances psychologiques. Dans le même esprit, Mme VM sollicite T. pour l'écriture d"un Reproche" qui traduitait l'expression d'un état d'âme insupportable ; mais T. ne s'exécute pas pour ce projet, prétextant un défaut d'inspiration.

Au printemps 1877, T., dans une lettre datant du 1er mai, fait part clairement de ses besoins d'argent à sa bienfaitrice, mais il s'y emploie avec délicatesse et psychologie (p121 et 122): "vous êtes la seule personne au monde à laquelle je n'ai pas honte de demander de l'argent".Mme VM répond dès le 2 mai, laissant entendre à T.que ces questions d'argent seraient désormais réglées. Nouvelle lettre de T. le 3 mai dans laquelle il se répand en remerciedments. T. comprend qu'en sollicitant Mme VM, il a frappé à la bonne porte et que celle-ci lui sera toujours ouverte. 1200 lettres seront ainsi échangées depuis décembre 1876 jusqu'en septembre 1890.

Le printemps 1877 est marqué par 2 évènements : le début de la composition d' "Eugène Onéguine" et surtout les fiançailles puis le mariage le 06 juillet de T. avec Antonina Ivadovna Milukova. Après 3 semaines de sa vie d'homme marié, T. ne supporte déjà plus ce nouveau statut ni son épouse: T., que Désirée Artot aurait peut-être réussi à séduire quelques années auparavant, se sent définitivement et irrémédiablement homosexuel (lettre à Anatole le 13 juillet, page 130: "...physiquement, ma femme m'inspire à présent une répulsion totale...").T. fuit sa femme, se réfugie à Kamenka chez sa soeur Sarah. Ses finances sont au plus bas. Ainsi, demande-t-il 1000 roubles à Mme VM (lettre à Mme VM P131) qui les lui fait parvenir le 19 juillet ; celle-ci va lui assurer un soutien financier constant et lui vouer un attachement sans limite.

Le 10 août, à Kamenka, T. commence à orchestrer la 4ème symphonie et "Eugène Onéguine". Après avoir revu son épouse, T. fait une tentative de suicide manquée: il se baigne dans l'eau glacée de la Moskova, espérant contracter une pneumonie mortelle; heureusement, il survit à cet épisode désespéré. Cependant, T. sombre dans un état dépressif sévère (lettres à Mme VM de septembre à octobre 1877). Anatole, son frère, le fait d'ailleurs hospitaliser, alors qu'il est dans état quasi démentiel ; A ne pas vouloir commettre l'erreur d'Eugène Onéguine, le héros de son opéra, à l'égard d'une femme, T. s'est fourvoyé dans une dramatique incompréhension mutuelle avec Antonina, son épouse.

A partir d'octobre, les échanges épistolaires se multiplient entre T., toujours terrassé par ses angoisses ainsi que par ses soucis financiers, et Mme VM, qui, dès le 27 octobre décide de lui allouer une rente mensuelle de 1500 francs. Mme VM devient ainsi véritablement la mécène de T. Par ailleurs, de droite et de gauche, les rentrées d'argent se dont plus régulières pour lui. T. et Mme VM, au travers de leurs lettres, se vouent un curieux amour, où seuls les sentiments ont une place et où la sexualité est interdite ou détournée. Malheureusement, les soucis du divorce s'accentuent et T. connaît, au fil des derniers mois de l'année 1877 et les premiers de 1878, une lente descente aux enfers: il boît davantage et erre de ville en ville en Europe, surtout en Italie.

L'année 1878 a apporté à T. une renommée grandissante, tant en Russie qu'à l'étranger. A la fin de l'année 1877 et au début de l'année 1878, T. alors en Italie, refuse de se rendre à Paris en qualité de" Président de la Section Russe" de l'Exposition Universelle. Il achève sa 4ème symphonie et en perçoit 1500 francs de Mme VM. Février 1878, T. est à Clarens, au bord du Lac Léman et compose sa "2ème sonate", les "Pièces pour piano opus 40" et le "concerto pour violon". Il songe aussi à écrire une liturgie. Le 11 avril, T. est rentré en Russie, il compose à Braïlovo l'oeuvre pour piano et violon intitulée "Souvenir d'un lieu cher".



1879

Sur le plan personnel, T. parvient à un compromis avec sa femme Antonina, grâce à son frère Anatole, mais il ne pourra jamais en divorcer. "Eugène Onéguine" est achevé et T. en offre les esquisses à Mme VM qui, elle-même, les donnera à son fils Nikolaï ; le manuscrit disparaît en même temps que celui-ci, alors qu'il est fusillé en 1929. Au début de l'année 1879, T. se partage entre le travail ("Suite n°1", " La Pucelle d'Orléans") et les voyages avec une curiosité culturelle éclectique (musique, littérature, théâtre). Si le monde des arts et des lettres s'est intéressé à "Eugène Onéguine" (Tolstoï, Pauline Viardot), le 9 mars, sa "Tempête" jouée au Châtelet est un fiasco.

Au cours de l'été 1878, T. décide de quitter le Conservatoire (il donne sa démission en septembre et sera remplacé par Taneiev). Il compose sa Liturgie et met en chantier sa première suite pour orchestre. Il compose un nouvel opéra : ce sera " La Pucelle d'Orléans". En septembre, au cours des concerts russes de l'exposition universelle, N. Rubinstein joue son 1er Concerto, dirige la "Tempête"; on y joue aussi la "Valse Scherzo" et la "Sérénade Mélancolique".En octobre, pour la première fois, Mme VM et T. se trouvent tous 2 à Florence : l'année 1878 est à ce propos l'année au cours de laquelle Mme VM montre le plus son empressement amoureux à l'égard de T. Au début de l'automne 1879, T. entame la composition du 2ème concerto pour piano à l'intention de N. Rubinstein. le 19 novembre, il apprend la 2ème tentative d'attentat contre le tsar Alexandre II. En décembre, les représentations de son "Opritchnik", jugé d'esprit révolutionnaire sont interdites.



1880

En ce début d'année, T. est à Rome, partagé entre le travail, les fêtes, le succès, mais aussi le deuil (il perd son père, âgé de 85 ans, le 25 janvier): remaniements de sa 2ème symphonie, réduction pour 2 pianos de son 2ème concerto, début de la composition du "Capriccio italien", écriture d'un tableau symphonique "le Montenegro" dont la partition disparaît mystérieusement. Le 25 janvier sa 4ème symphonie est jouée à Paris dans un concert financé par Mme VM : les 2 mouvements centraux font, pour le public mais aussi pour la presse, tout l'intérêt de cette oeuvre, tandis que les mouvements extrêmes sont moins appréciés. A la fin de son séjour romain, T. écrit le "Capriccio Italien".

Au printemps T. se trouve dans les propriétés de Mme VM (Braïlov et Simaki): il compose les mélodies de l'opus 47. A l'automne, T. se met au travail pour une nouvelle commande: "L'Ouverture 1812"; il met aussi en œuvre sa "Sérénade pour cordes". T. fait la connaissance de Debussy, au travers des échanges épistolaires qu'il entretient avec Mme VM.

La fin d'année 1880 est marquée par des contrariétés affectives (l'éloignement d'Aliocha devenu soldat, l'état de santé de sa nièce Tania peu à peu morphinomane), mais aussi par des satisfactions professionnelles: des projets pour le début d'année 1881 : représentation d' "Eugène Onéguine" au théâtre du Bolchoï le 11 janvier 1881, qui sera suivi par la création de la "Pucelle d'Orléans" le 13 février 1881. Dans l'intervalle, la création de son "Capriccio Italien" reçoit un accueil un peu mitigé, tandis que sa "Liturgie" est acclamée par la Société Musicale Russe le 8 décembre. T. sera cependant fustigé par le clergé pour cette oeuvre donnée en dehors d'un lieu saint.



1881

L'année 1881 est une année peu productive pour T. et c'est aussi une année noire pour la Russie: mort de Dostoïevski le 9 janvier, mort d'Alexandre II le 1er mars, alors même qu'il s'apprêtait à annoncer une réforme du Conseil d'Etat avec une représentation populaire, mort de Nikolaï Rubinstein le 11 mars (T, alors à Paris, assiste à ses obsèques), mort de Moussorgski le 16 mars. T. est ensuite en Italie; "Eugène Onéguine" est représenté pour la première fois au théâtre du BolchoÏ: bien que le succès soit au rendez-vous, la presse se montre plus mitigée. En revanche : création triomphale de sa "Pucelle d'Orléans" le 13 février au théâtre Mariinski de St Pétersbourg.

Au printemps T., sans doute trop dépensier parfois, connaît quelques difficultés financières. Heureusement, il commence à bénéficier des largesses du Tsar, à l'instar de Mme VM qui lui accorde des aides pécuniaires confortables. En mai, T.met en chantier son 7ème ouvrage dramatique : "Mazeppa". Depuis quelques temps T. traverse une crise mystique et réalise une harmonisation de ses "Vêpres". Par ailleurs, jusqu'en octobre, il va travailler sur une révision de l'oeuvre religieuse intégrale de Bortnianski, ce qui représente 118 compositions.

T. ne parvient pas à s'enthousiasmer pour son "Mazeppa"; il songe également à Roméo et Juliette et aimerait en écrire un opéra. En novembre, il repart pour l'Italie ; il assiste à un concert d'œuvres de Lizt qui ne l'enchantent guère. Dans une lettre à sa cousine le 27 décembre, il écrit son projet de composer un trio pour piano, violon et violoncelle. Cette oeuvre de 1882 sera dédiée à la mémoire d'un grand artiste, Nikolaï Rubinstein.



1882

En ce début d'année, T. est à Rome et travaille ardamment à la composition de son "Trio", à l'harmonisation de ses "Vêpres". Il se désespère de voir ses œuvres insuffisamment jouées, voire mésestimées (Eugène Onéguine, la Pucelle d'Orléans, et son concerto pour violon). Le comble de l'humiliation: c'est à Rimski Korsakov qu'on octroie 30000 roubles pour les représentations de la "Snégourotchka". T. écrit donc en 6 semaines son trio et en Août les 6 pièces pour piano. A partir de mai, il reprend "mollement" son travail sur "Mazeppa". Au cours des 4 premiers mois, T. voyage beaucoup: en février il est à Naples et assiste à la représentation du "Trouvère" de Verdi.

En Avril, il assiste au mariage de son frère Anatole ; il passe l'été à Kamenka puis au domaine de Grankino où il rejoint Modest. Il achève les esquisses de "Mazeppa" à la mi-septembre; il enchaîne avec la "Pucelle d'Orléans" en octobre et les 6 pièces pour piano. Le 8 octobre Balakirev lui propose un nouveau sujet de symphonie "Manfred" de Lord Byron

Le 22 novembre, il assiste au Bolchoï à une représentation du "Don Giovanni" de Mozart, qui rest pour T. le meilleur opéra existant. Il est en revanche nettement moins enthousiaste à l'égard des nouvelles œuvres de Wagner : "Siegfried", "Idyll"



1883

14 janvier, T. arrive à Paris (il va y rester 5 mois). L'hôtel conseillé par Laroche devient son lieu de résidence parisien (HOTEL RICHEPANSE, rue Richepanse pès de la Madeleine). Cest le plus long séjour parisien de T. Il redécouvre "Roméo et Juliette" de GOUNOD. "Gounod est l'un des rares à écrire non pas à partir de théories préétablies, mais sous l'inspiration du sentiment" (voir citation complète p 182). En plus d'écouter des concerts, T se rend plusieurs fois à la Comédie Française ("Village", "Il ne faut jurer de rien", "les Précieuses Ridiules").il voit Sarah Bernardt dans "Théodora" de Sardou. Manifestations de chômeurs conduite par Louise Michel: "C'est le jaillissement d'une flamme qui va s'amplifier dans un proche avenir" (voir aussi dans une autre lettre ses mots"réactionnaires")

Il achève "Mazeppa" et fait l'arrangement de " La Vie pour le Tsar" de Glinka pour un chœur de 7500 personnes. Le printemps de cette année 1883 est aussi marqué par de pénibles instants pour T.:la désintoxication de sa nièce Tatiana, Aliocha , alors sous les drapeaux et souffrant du typhus, les manigances du nouveau secrétaire (et futur gendre) de Mme VM, un certain Pakoulski. La première moitié de l'été, T. se consacre à la correction de "Mazeppa", oeuvre pour laquelle il percevra avec difficultés la somme de 2400 roubles. Sa verve créatrice renaît en octobre: il termine sa Suite n°2 pour orchestre. Curieux des musiques de ses contemporains, il fait la connaissance de Glazounov. Plusieurs oeuvres de T. sont créées ou reprises à un rythme soutenu: le 8 octobre à St Pétersbourg: le "1er Quatuor", le 15 octobre: le "Trio", le 22 octobre: création à Moscou de "l'ouverture 1812", le 19 novembre : reprise de sa première symphonie.

1883, s'il n'y avait la tragédie de Tania, est une des années les plus riches et heureuses de la vie de T. Notes sur le Tsar Alexandre III et son influence sur les arts: ce Tsar est physiquement à l'image que l'occident se fait du Russe: gigantesque, barbu, d'une force considérable. Mélomane subtil, il promeut une certaine "russophilie", tendant vers un certain nationalisme.: ainsi reviennent à la mode des tenues vestimentaires, des usages et des styles architecturaux de la Russie ancienne (gimnastorkias militaires, port de la barbe, façades d'immeubles ornées de motifs vieux russes). Malgré son esprit conservateur, T. n'épouse pas intellectuellement ces tendances.



1884

Le 11 janvier le fils de Mme VM épouse la nièce de T., mais au cours de ce mois de janvier, celui-ci est surtout occupé par les répétitions de Mazeppa qui est finalement créé le 3 février. Le 4 février T. part pour l'étranger, alors que Erdmannsdörfer dirige sa 2ème suite. T, est retenu quelques temps à Paris par sa nièce Tatiana Davydova dont la santé s'altère de jour en jour. T. assiste pendant ce séjour à l'opéra de Massenet "Manon":il en admire la qualité musicale (qu'il envie aux français) mais en ressort un peu déçu. Succès mitigé de "Mazeppa"; cependant la cote de T. continue de progresser; d'ailleurs, T. est décoré de " l'ordre de Saint Vladimir" le 23 février, etr il est reçu à la Cour Impériale le 3 mars.

Depuis peu, T. semble se lasser de ses sempiternelles errances et se met en tête de devenir propriétaire d'une maison. Au printemps 1884, il compose la 3ème suite pour orchestre ; il lit aussi différents ouvrages sur Mozart et déchiffre pour le piano " la Flûte Enchantée". Il passe l'été chez Modest puis chez Anatole. En septembre, il est invité à demaurer dans la propriété de Mme VM (Domaine de Pletscheievo): il y compose la Fantaisie pour piano et orchestre. Pendant ce temps, "Eugène Onéguine" est créé à Kiev et à St-Pétersbourg: le succès est considérable.

En novembre, il rencontre Balakirev qui va entraîner la mise en route de "Manfred"; il écrit également 3 chœurs religieux pour le Tsar.T. reçoit 500 roubles pour son ouverture "Roméo et Juliette"; cet argent provient de la générosité de Belaiev qui devient peu à peu le mécène de la musique russe.La fin d'année s'achève tristement T. se rend auprès de son ami Kotek qui se meurt de la tuberculose. T apprendra sa mort survenue le 23 décembre.



1885

L'année s'ouvre pour lui par un deuil: la mort de son ami KOTEK; malgré cela, les évènements lui sont favorables: le 12 janvier: immense succès de sa 3ème suite pour orchestre; le 16 janvier surtout: le Tsar et sa famille assistent à la représentation de "Eugène Onéguine" à St Pétersbourg: T est alors très apprécié de la famille impériale dont il se rapproche davantage pour être enfin consacré "compositeur officiel" ; malgré la demande du Tsar, il n'écrit pas l'opéra inspiré de l'oeuvre de Pouchkine " la Fille du Capitaine"; le 19 janvier: nouvelle représentation de sa 3ème suite, dirigée par Erdmandörfer et de son premier concerto au piano, interprété par Hans Bülow.

Le 14 février , il s'installe dans la datcha de Maidanovo. Pendant son séjour, il remanie son opéra "Vakoula le forgeron" dont la nouvelle version s'appelle "Tcherevitchki; il écrit également, pour la Société Slave de Bienfaisance, un hymne aux Saints Cyrille et Méthode; le 22 février: création à Moscou de sa "fantaisie pour piano et orchestre" jouée par Taneiev: succès remarquable; le 10 mars: grand concert à la mémoire de N. Rubinstein; le 24 mars, il rencontre le grand duc Konstantin Nikolaïevitch, président de la Société Musicale Russe; il termine le remaniement de "Vakoula le forgeron-Tcherevitchki"; déjà, il pense à un nouveau projet " l'Enchanteresse"; il compose pour le Tsar 5 choeurs religieux, qui vont constituer avec les 4 autres, la "Liturgie" et les "Vêpres" l'oeuvre religieuse de T.

Le 20 mai T. assiste à l'inauguration du monument à Glinka, au milieu d'une foule de célébrités musicales. Dans l'intervalle T. était rentré à Maidanovo où il a entrepris l'écriture de "Manfred" qu'il écrira entre avril et septembre. 3 évènements majeurs caractérisent cette année 1885: l'intérêt que lui porte l'éditeur français Mackar: celui-ci sera le premier éditeur occidental à publier officiellement et systématiquement les oeuvres de T. D'ailleurs T.devient grâce à lui membre de la Société des Auteurs et Compositeurs. Les 2 autres grands évènements concernent la promotion de la musique russe: la fondation d'une maison d'édition à Leipzig les éditions Balaïev et la création par ce même Balaïev des concerts symphoniques russes: le premier concert est donné le 23 novembre à St Pétersbourg.



1886

En début d'année 1886, T. surprend une fois encore par sa double personnalité: il crée une école qu'il finance lui-même, pour les enfants de Maïdanovo; fier de cette initiative, il en fait part à Mme VM qui l'en félicite, T. reprend aussi un carnet, espérant ainsi noter ce qu'il compte entreprendre et mener à bien.

T. développe ses relations musicales à Paris: T. échange de nombreuses lettres avec Félix Mackar, qui l'admire et se fait fort de promouvoir davantage T. auprès des compositeurs et du public français; il lui demande d'ailleurs une biographie et une liste de ses oeuvres;T lui remet essentiellement les opéras, les symphonies, les suites pour orchestres, mais aussi: Roméo, la Tempête, Francesca da Rimini et Manfred. Le dramaturge Ostrovski avec lequel il avait travaillé décède; Fin janvier T. apprend sa nomination en qualité de "membre d'honneur du Conservatoire de Moscou".

Les concerts historiques d 'A.RUBINSTEIN : séries de concerts donnés par le virtuose dans toutes les grandes villes d'Europe: ainsi, contribue-t-il à faire apprécier T. pour ses oeuvres au piano "chant sans parole, valse-scherzo Romance et scherzo russe".C'est dans cet esprit que T.écrit la "Doumka" à la demande de Mackar. En Mars, très attendu en France,T.part de Tiflis pour se rendre à Paris en passant par plusieurs villes d'Europe; il arrive à Paris en mai et y restera 4 semaines; il y rencontre, outre Félix Mackar, de nombreuses personnalités du monde des arts dont Pauline Viardot qui lui fait découvrir l'auto manuscrit de "Don Giovanni".

T. retourne en Russie en juin ; il est alors harcelé par son ex-épouse ; cependant, il se remet à "l'Enchanteresse"; il écrit par ailleurs 12 mélodies dédiées à l'Impératrice Maria Féodorovna; il débute une correspondance avec le Grand Duc Konstantin Konstantinovitch et écrit, pour les poèmes de celui-ci 6 mélodies et un choeur.Un évènement important se produit pour Tchaïkovski: pour la premlière fois, malgré sa timidité maladive, il se découvre capable de diriger un orchestre et s'en réjouit dans une lettre à Modeste; cependant, T. ne sera jamais le meilleur interprète de lui-même.



1887

Au début de l'année T. travaille sur la partition de L'Enchanteresse et il est occupé par les répétitions de Tchérévitchki au théâtre Bolshoï qui l'épuisent nerveusement et physiquement. Cependant il maîtrise peu à peu sa timidité naturelle et il est content de conduire son oeuvre (lettre à Mme Von Meck page 226). Décès de Tatiana, la fille d'Alexandra le lendemain de la création bien accueillie de son opéra. Décès d'Alexandre Borodine le 15 fév. qui touche T. et le monde musical russe. Le 23 fév. T. se rend à St-Pétersbourg pour préparer un concert de ses oeuvres (prévu le 5 mars). Il se découvre plus d'assurance en tant que chef d'orchestre (lettre page 228).

Il avoue son amour grandissant pour Bob à Mme Von Meck. Il achève l'Enchanteresse le 9 mai à Maidanovo. Il part pour Tiflis via Moscou en compagnie d'Aliocha. Il s'embarque à Nijni-Novgorod sur le "Alexandre II", réalisant son rêve de descendre la Volga jusqu'à Astrakhan. Il essuie une tempête avant d'arriver à Tiflis. Profitant de sa notoriété, T. sollicite le Tsar dans une lettre afin que celui-ci apporte une aide financière importante destinée à l'achèvement d'un grand théâtre dans la ville de Tiflis (voir lettre page 230). Le tsar répond favorablement.

Le 19 juillet il achève l'orchestration de la Suite N°4 - T. écrit Pezzo Capriccioso à Aix La Chapelle à l'intention de son ami violoncelliste Brandoukov. A la fin du mois d'août, il tombe malade. Son ami Kondratiev meurt le 21 sept. T. demande 6000 roubles à Mme Von Meck pour l'achat d'un terrain et d'une maison à Maidanovo (lettres pages 233-234) Mme Von Meck accède plus largement encore à sa demande en lui proposant de lui verser en une fois l'équivalent de deux années de pension (ils peuvent se mettre d'accord par télégramme...) Le projet échoue, mais T. s'enflammera pour des projets identiques sans plus de suite. T. est élu membre d'honneur de la Société Musicale Russe. Le 20 oct. l'Enchanteresse est créée au Théâtre Mariinski sous la direction de T. C'est un échec (en partie dû aux insuffisances de la cantatrice titulaire du rôle) En revanche, ses oeuvres connaissent un fort succès à Paris et en Allemagne.



1888

T. est en tournée de 3 mois en Europe occidentale (janv, fev, mars) : le 29 décembre 1887 il arrive à Berlin - retrouvailles avec Désirée Artôt ; 31 décembre, arrive à Leipzig et fait connaissance de Brahms & Grieg ; dirige sa première Suite le 5 janv. Hambourg le 10 janv. A Lübeck, il apprend que le Tsar Alexandre III lui alloue une pension à vie de 3000 roubles/an (évènement historique ! ; Nadejda lui en alloue 18000 par an) Il est invité le 7 février chez Désirée Artôt. Le 12 fev, il quitte Leipzig pour Prague : série de concerts, rencontre Dvorak. Le 23 fév, il est à Paris. Il apprend au cours de son séjour le mariage d'Aliocha. Il débarque à Londres le 19 mars sous une tempête de neige, après une traversée de la Manche épouvantable ! Succès londonien. Il rentre via Vienne et arrive à Tiflis le 26 mars.

T. s'installe dans un nouveau domicile à Frolovskoïé et s'attaque à sa 5ème symphonie et à l'ouverture Hamlet (premières esquisses de la Belle au Bois Dormant en oct). En juin, il quémande de l'argent à Mme Von Meck (!) et récidive, puisque ça marche, moins de 3 mois plus tard (22 août) ! - rappelons la pension "impériale"...

Exécution, avec succès, de ses 2 nouvelles œuvres symphoniques (la critique est moins enthousiaste) les 5 & 12 novembre. Représentation à Prague d'Eugène Onéguine.



1889

T. repart en tournée : Cologne, Francfort, Dresde, Berlin, Genève, Hambourg, Paris et Londres. Préparatifs des concerts russes de l'exposition universelle (Paris). Il reçoit une lettre élogieuse de son ami Dvorak, suite à la création d'Eugène Onéguine à Prague. Retour à Tiflis, via Constantinople, début avril. Cette tournée fut estimable mais au final, moins brillante que la précédente.

Retour à Moscou le 7 mai. Les 22 et 29 juin concerts russes à l'expo universelle de Paris (œuvres du groupe des cinq, essentiellement) qui ont le mérite de faire connaître l'école "russe" au sens large. L'été se passe à l'orchestration de La Belle au bois dormant. T. fait part à Modest de son attachement tjs croissant à l'égard de Bob et du projet (fantasmé...) de s'installer avec lui à St-Pétersbourg.

T. s'intéresse à Tchekhov, écrivain encore inconnu à l'époque, et prophétise : "il deviendra un des piliers de notre littérature". Les deux artistes se rencontrent à l'automne et envisagent de créer un opéra : "Bela" (collaboration irréalisée, hélas !) La fin d'année est marquée par les répétitions d'un grand chef d'oeuvre de Tchaïkovski : La Belle au bois dormant. Le 26 déc. il écrit à Mme Von Meck son intention de partir prochainement en Italie pour se reposer et travailler à son nouvel opéra : La Dame de Pique.



1890

Les 2 et 3 janvier triomphe La Belle au bois dormant, ainsi qu'Onéguine le 12 au théâtre Marie. T. quitte la Russie le 14 janvier, sans savoir où il se rend ! le 28, une fois à Berlin, il choisit Florence (la femme d'Aliocha est mourrante ; il part avec le domestique de Modest : voir journal de celui-ci). Il réalise à Florence les esquisses de La Dame de Pique, tandis que Modest lui envoie au fur et à mesure depuis St-Pétersbourg les tableaux du livret qu'il rédige. Le 7 avril, il quitte Florence pour rester 3 semaines à Rome. Lettres à Mme Von Meck ; il s'inquiète du durcissement de la politique monarchiste de son pays. Retour à St-Pétersbourg le 22 avril, puis il retrouve sa maison de Frolovskoïé. Composition de Souvenir de Florence.

Les trois premières saisons de 1890 comptent parmi les plus heureuses et les plus réussies de sa vie, mais le 21 ou 22 sept., il reçoit la lettre de rupture de Mme Von Meck, sa dernière lettre… T. reste encore un mois à Tiflis, travaillant à sa ballade symphonique Le Voïévode. Le 7 décembre, il assiste, au théâtre Mariinski, à la création triomphale de La Dame de Pique.



1891

Tchaïkovski reçoit dans les premiers jours de cette année une invitation en provenance des Etats-Unis. L'offre est très intéressante mais avant le grand voyage outre-atlantique, T. doit diriger un concert prévu à Paris, entièrement consacré à ses œuvres. En même temps, T. ébauche le programme de ses oeuvres qui devraient être jouées à New York. Il reçoit également la commande de Yolande & Casse-noisette. Le 18 mars T. se met en route : Berlin, puis deux jours plus tard : Paris. Le 31 mars ont lieu les répétitions du grand concert et le 5 avril, T. le dirige au Châtelet noir de monde. Le succès est au RdV mais comme toujours la critique est mitigée. T. compte sur une dizaine de jours en attente à Rouen pour travailler son Casse-Noisette, mais il est plus fatigué que prévu et demande de repousser la création des prochaines oeuvres scéniques en 92/93. Il obtient satisfaction. Modest est à Rouen ; il évite d'annoncer à son frère le décès de leur soeur : Alexandra. Revenu pour un jour à Paris, la veille de son départ, T. l'apprend tout de même en lisant le Novoie Vremia.

Le 18 avril, T. quitte Le Havre à bord du paquebot La Bretagne. Le voyage dure 8 jours (voir détails page 278). Arrivé à New York, T. descend à l'hôtel Normandie. Le lendemain, 27 avril, le New York Herald titre : "Tchaikovsky is here". Le même jour : premières répétitions au Music Hall (Carnegie Hall), il est ovationné par l'orchestre ("L'orchestre est excellent...") et rencontre Andrew Carnegie en personne. Les journaux publient des notices détaillées sur les interprètes et sur lui-même.. : il apprend qu'il est l'auteur de plus de "300 oeuvres" (!) et qu'il est venu avec sa femme !

Outre quelques approximations, la presse réalise des critiques assez justes des œuvres de T. (le recul du nouveau monde ?), préférant ses œuvres personnelles aux œuvres de commande (voir page 281). T. est un peu irrité de la description, pourtant objective, que l'on fait de son physique et de son attitude sur scène. Le 7 mai, c'est son anniversaire, il a le trac, pourtant tout marche bien et cette Suite qu'il doit diriger, il la connait bien... Le concert se passe pour le mieux. Et les concerts suivant sont des triomphes à tous points de vue. Les jours suivants : excursion aux chutes du Niagara (côtés américains & canadiens), puis New York, Baltimore, Boston. Le 18 mai, concert à Philadelphie.

Tchaïkovski quitte New York le 21 mai à 5h du matin à bord du paquebot Fürst Bismarck. Il se réinstalle dans sa maison de Maidanovo le 29 mai (provisoirement car la demeure est de plus en plus délabrée). Esquisses de Yolande au cours de l'été. T. consacre ses loisirs à la lecture de Spinoza (en russe et en français). Orchestration de sa ballade Le Voïévode. On lui propose un nouveau séjour américain pour l'année prochaine mais un cachet 3 fois plus bas que le précédent. Il répond par télégramme : "Non". Le 4 novembre, La Dame de Pique est créée avec succès au Bolchoï de Moscou. En revanche, le 6, il est déçu par Le Voïévode et détruit la partition.



1892

Au début de 1892, T. est à Varsovie pour un concert-succès. Puis à Hambourg, pour Eugène Onéguine dirigé par Gustav Mahler. Au cours des premiers mois, il travaille à l'orchestration de Casse-Noisette et à la composition de Yolande (création de la Suite de Casse-Noisette à St-Pétersbourg le 7 mars). Il songe à une nouvelle résidence à la campagne, à proximité de Maidanovo et de Frolovskoïé : une maison à Klin. (près de la rivière Sestra)

Aliocha (qui est remarié et a un petit garçon : Georges) s'occupe du déménagement. Le baptême du petit Georges, le 29 avril, est aussi l'occasion pour T. de découvrir sa nouvelle maison installée (un écriteau mentionant son illustre propriétaire est tjs conservé à Klin - idée de fin possible...). Cure à Vichy en juin en compagnie de Bob. Correction d'épreuves de Casse-Noisette et de Yolande pendant les 2 mois d'été à Klin.

Le 4 septembre, Tchaïkovski repart ! : Vienne et Prague. Création tchèque de La Dame de Pique le 12 oct. Le 27 oct, il assiste à St-Pétersbourg à la 100ème représentation d'Onéguine. Il est élu membre de l'Académie des Beaux-Arts à Paris le 26 nov. Création à St-Pétersbourg, le 25 nov du Sextuor et le 6 déc., double création de Yolande et Casse-Noisette. Le 17 décembre, T. repart pour la France, direction Montbéliard, pour rendre visite à Fanny Durbach, sa vieille gouvernante (voir détails de la lettre pleine de sincérité page 297). Les deux derniers mois de 1892 sont consacrés à l'esquisse d'une nouvelle symphonie (inachevée, dite Symphonie N°7).



1893

La dernière année de Tchaïkovski débute par un concert à Bruxelles (14 janvier) où il dirige ses oeuvres. Il renonce à son cachet (comme il l'avait fait autrefois à Prague) au profit de l'Association des Artistes Musiciens. Puis, il demeure quelques jours à Paris. Le 21, T. part pour Odessa où il passe 6 semaines, dirigeant plusieurs concerts. Au cours de son séjour, il pose pour le peintre Nicolaï Kouznetsov qui réalise alors l'unique portrait d'après nature du musicien.

T. est comblé, fêté & épuisé quand il rentre à Klin via Kamenka. Il compose des pièces pour piano (les dix huit pièces… réalisées en deux semaines), pour gagner de l'argent, dit-il, ainsi que des mélodies. Composition de la Symphonie Pathétique entre février et août. T. donne un coup de pouce aux jeunes compositeurs. Il reçoit de Rachmaninov un exemplaire dédicacé des Cinq pièces pour piano, op.3 (27 fév). Le 27 avril, il assiste, au théâtre du Bolchoï, à l'opéra Aleko de Rachmaninov.

Le 29 mai, T. arrive à Londres où un grand honneur l'attend. Le 1er juin, il dirige la Symphonie N°4 : immense succès (St-Säens produit lors de ce même concert son Concerto pour piano N°2). Le 12 juin St-Säens et lui arrivent à Cambridge. Les lauréats jouent leurs oeuvres le même jour : T. choisit d'interpréter Francesca da Rimini. La cérémonie d'intronisation des "docteurs" a lieu le lendemain.

Après quelques jours de divertissement à Paris, P.I.T. rentre en Russie le 18 juin. De tristes nouvelles l'attendent : la mort de Karl Albrecht (14 juin), de Konstantin Chilovski, le coauteur du livret d'Eugène Onéguine (22 mai) et de Vladimir Chilovski, un mois plus tard, et du décès programmé d'Apoukhtine souffrant d'hydropisie (mort le 17 août).

P.I.T. se remet au travail, termine le remaniement de sa symphonie avortée en un Allegro Brillante pour piano & orchestre (Concerto pour piano N°3) et à partir du 20 juillet, se consacre exclusivement à l'instrumentation de sa Symphonie N°6 (jusqu'au 12 août). Mort d'Apoukhtine le 17 aoüt. La situation financière de T. est fluctuante. Il relit quelques lettres de Mme Von Meck, et peste contre la trahison (financière notamment) de sa mécène : il réagit ici plus consciemment comme son personnage d'Hermann.

Orchestration du Concerto pour piano N°3. Décès de Nicolaï Zverev, professeur de piano au conservatoire, maître de Rachmaninov. T. apprend la nouvelle trop tard pour être présent aux obsèques. Ce décès qui frappe le monde musical moscovite est le dernier... avant T. lui-même.

L'alliance Franco-Russe est imminente, on se prépare à de nouvelles manifestations pour célébrer le rapprochement des deux grandes puissances militaires. Tchaïkovski ne symbolise t-il pas un trait d'union entre la France et la Russie ? Le 16 oct, P.I.T. dirige à St-Pétersbourg la création de sa toute nouvelle symphonie : Symphonie N°6. L'accueil est poli mais pas triomphal. 9 jours plus tard, Tchaïkovski décède.



1894

Décès de Nadejda Filaretovna à Nice, le 13 janvier 1894, du Tsar Alexandre III le 1er novembre et d'Anton Rubinstein le 8 nov...

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